Jean-françois Chabas
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LITTERATURE DE JEUNESSE 



LA RIVIÈRE DE SATIN


Ce livre a une histoire particulière.
En 2017, mes pérégrinations m'ont conduit sur Big Island, à Hawai'i. Je voulais y retrouver les Polynésiens - encore d'autres Polynésiens, après ceux de Tahiti, et leurs cousins les Maori. Ces peuples marins ont essaimé à travers un territoire gigantesque et, si leur racines demeurent communes, il est très intéressant de connaître leurs singularités.
Je ne dévoilerai pas ici tout ce que j'ai trouvé sur l'île, car c'est une part importante du roman, que je ne voudrais pas déflorer.
En revanche, les événements dont je vais parler maintenant ont trouvé un écho considérable dans les médias, aussi puis-je en discuter avec vous.
Je suis rentré en France après ce séjour, et j'ai écrit La rivière de satin. Quelques semaines après la fin de la rédaction de ce roman, une catastrophe naturelle de grande ampleur a frappé Big Island, aux endroits même où je m'étais trouvé.
Par quelque hasard étrange, j'ai également parcouru l'île sud de la Nouvelle-Zélande très peu de temps après le tremblement de terre massif qui l'a frappée, et j'en ai trouvé des traces impressionnantes: l'église de Christchurch, par exemple, déchirée en deux comme un jeu de cartes par la main d'un géant...
Mais en 2018, c'est Big Island qui a souffert. Je ne sais quelle prémonition m'a conduit à écrire ce roman catastrophe, où l'île entière subit des désastres terrifiants. Mais la nouvelle des éruptions massives m'est parvenue après que j'ai fini le livre, et je me suis remémoré les gens que j'avais rencontrés là-bas. Les populations les plus pauvres, qui sont évidemment exposées en premier aux volcans - puisque les riches, souvent venus d'ailleurs, monopolisent les terres les plus belles et les plus sûres. 
Les maisons de ces gens misérables ne sont pas assurées - les compagnies le leur refusent -, si bien que lorsqu'ils perdent leur domicile, ils ne leur reste vraiment rien...
J'ai repensé aussi à cette vieille femme, qui a servi de modèle à la grand-mère de mon récit. Veuve d'un ingénieur, elle venait du Nebraska, et habitait un residential compound dans le village le plus cossu de Big Island. Elle voulait tant que je vienne m'installer sur l'île pour augmenter la population des gens "comme elle"... Parce que, si le aloha spirit est présent à Hawai'i, on rencontre aussi là-bas des personnes de ce genre, qui vous expliquent vite - pour peu qu'on les y encourage, fût-ce par le silence - que ce serait "tellement mieux sans... eux."
Ces Blancs, colons ou simplement riches - qui viennent d'ailleurs, qui volent la terre des natifs, les relèguent en arrière-plan, et prétendent même s'en débarrasser. Je les ai trouvés partout où j'ai voyagé: les Navajos d'Arizona les subissent. Et les Yamaji et les Noongar d'Australie-Occidentale, les Ptjantjatjara d'Uluru. Et les Sioux Lakota. La liste serait interminable.
Hawai'i est une destination prisée, où le coût de la vie est exorbitant, et l'immobilier déréglé jusqu'à l'absurde. Les Polynésiens les moins fortunés encaissent cela de plein fouet. Ils défendent leurs vagues de surf avec une certaine violence; peut-être est-ce compréhensible: il ne leur reste pas grand-chose d'autre.
La rivière de satin vous parlera de tout cela, et de la beauté de l'île aux volcans, vue par les yeux de Sine, adolescente atteinte d'un mal extraordinaire, qui tombera amoureuse de... 
Oh, j'en ai déjà trop dit! 
Bon voyage à tous.




LA LOI DU PHAJAAN

 
Ceux d'entre vous qui me suivent depuis plus de vingt ans savent ma passion pour les animaux sauvages, présents dans énormément de mes livres, quand ils n'en sont pas le sujet principal.
Je viens de passer du temps avec des dauphins à l'autre bout du monde, avec des émeus, et avec des phoques moines, presque aussi loin. À l'heure où vous lirez ces lignes, seront venus si tout va bien les cachalots, et les orques.
Il est un animal, cependant, dont je voulais parler depuis de nombreuses années: l'éléphant.
C'est une bête singulière par sa remarquable intelligence, mais aussi par les interactions très intenses et émouvantes qui existent à l'intérieur de la harde.
Il fut un temps où je désirais écrire sur la relation entre un éléphant et son cornac (que l'on nomme aussi mahout), dont j'imaginais qu'elle était profonde, et qu'elle durait aussi très longtemps, compte tenu de la longévité des pachydermes. Je me représentais la beauté de ce rapport, entre humain et animal...
Puis j'ai découvert la réalité du phajaan.
Le récit est présenté comme un roman d'aventures, et il s'y passe effectivement beaucoup de choses terribles, passionnantes je veux le croire pour un enfant de dix ans, ou même pour un adulte. Mais tout cela est surtout un moyen de faire passer un message clair aux gens qu'un petit tour en éléphant, au cours de vacances exotiques, pourrait tenter.
Celui qui aura lu La loi du phajaan ne pourra pas prétendre ignorer ces pratiques atroces.
Et je compte sur mes petits lecteurs pour se montrer prosélytes, comme seuls peuvent l'être les enfants, lorsque leur cœur inentamé s'indigne des horreurs du monde.



LE DIABLE DE MONSIEUR WAI

Ce livre est bouddhiste. Je n'entends pas par là qu'il met en avant cette religion de manière directe, mais il en respecte l'esprit.
De profondes influences ont dicté le choix de ce sujet, et de ce traitement: la lecture d'André Migot, homme remarquable aujourd'hui hélas presque oublié, grand voyageur, aventurier, savant... Quelques rencontres personnelles, dont je ne désire pas parler ici plus avant... Egalement, depuis maintenant des années, la stricte pratique quotidienne de la méditation. Pour finir, l'exemple admirable des pratiquants du bouddhisme mahayaniste, qui rayonnent partout ou ils vivent. Je souhaite néanmoins souligner que je n'appartiens à aucune religion.
Seule la bonté m'intéresse ici chez mes personnages. Singulièrement ce que les Bouddhistes appellent la compassion.



LA FEE DES MAAMOULS 

Le Liban me poursuit depuis vingt-huit ans.
Comment, lorsqu'on l'a fréquentée, ne pas s'attacher à l'âme libanaise? Depuis que je suis un très jeune homme j'ai été considérablement influencé par cette culture, au point de lancer un " kess em" à chaque fois que je me tape sur le doigt avec un marteau, ou de brailler un "khalass" lorsque je reçois d’insupportables lettres administratives.
Plus sérieusement, ces gens, et leur attitude face à l’existence,  m'ont permis de considérer la société française avec un œil neuf, ce dont je les remercie.
Pour les personnes de ma génération, Beyrouth était synonyme de guerre civile et de chaos; mes rencontres ont changé cela. Sans doute croiserez-vous des Libanais, qui sont très nombreux chez nous. Intéressez-vous à eux et à leur philosophie de l'existence: elle me semble très complémentaire du cartésianisme français...
Puisque je m'adresse ici à de jeunes enfants, il m'a semblé judicieux d'utiliser l'humour - poussé à l’extrême! - pour les intéresser non seulement au Liban mais aussi à la langue libanaise, très présente dans le récit.
Enfin, les lecteurs curieux seront peut-être heureux de savoir que teta Lamia ou Nissou, même sous pseudonyme, existent bel et bien.



L'ARBRE ET LE FRUIT


Georges Brassens disait que ses chansons se suffisaient à elles-mêmes et semblait mal à l'aise quand on lui demandait de les expliquer.
Sans doute est-ce un travers de notre époque que de vouloir à tout prix disséquer les œuvres artistiques... Les choses se compliquent encore lorsque c'est l'artiste lui-même qui est prié de "donner ses raisons".
L'arbre et le fruit est particulier, cependant, et en cela justifie quelques explications sérieuses.
Le sujet dont il traite m'est familier, et personnel... Mais à peine le livre était-il sorti qu'il a déchaîné une avalanche de réactions émues.
Je me suis rendu compte, plus encore que je ne l'aurais imaginé, du nombre de personnes touchées par le phénomène de la violence familiale.
Il y a des femmes et des enfants battus, maltraités et humiliés dans tous les milieux sociaux, toutes les ethnicités, tous les pays. Personne n'échappe à cela.
La question ne se borne pas à une dénonciation, car cela serait vain. Et c'est là que L'arbre et le fruit doit trouver son utilité, car le récit démonte un mécanisme et explique comment il serait possible d'y échapper.
Il y a deux personnages clés dans le roman: Grace, qui commet à peu près toutes les erreurs possibles face à un pervers violent.
Jewel, qui réussit à s'affranchir et sauve ainsi sa peau, ainsi que celle de sa petite sœur.
Entendez-moi bien: il ne s'agit pas ici d'une invention de personnages fantaisistes, mais l'expression d'un vécu bien réel. Je parle de ce que je connais: du pouvoir salvateur de la révolte.
Ce dont il est question ici, c'est de sauver sa vie, et de conserver l'intégrité de son âme. Car si on ne meurt pas de ces traitements on risque tout du moins de ne jamais s'en remettre, avec des conséquences si terribles que la mort me semblerait préférable.
On ne combat pas la violence de ce type avec du raisonnement et des mots doux. Elle est trop insidieuse. Il faut s'y arracher avec une brutalité égale à celle qu'on nous fait subir.
Pour le dire simplement: femmes, adolescentes, adolescents, battez-vous sans merci, enfuyez-vous, car celui qui s'acharne à vous détruire n'aura aucune pitié.
Voilà à quoi sert L'arbre et le fruit. Il est prophylactique. Faites-le lire ou parlez du sujet autour de vous.
Les bourreaux de cette nature ne peuvent prospérer que dans le silence.



LES REVES ROUGES

C'est mon grand oeuvre alchimique, en littérature de jeunesse. Un long travail compliqué, que j'ai mené  pendant des mois, réécrivant même l'intégralité du texte à deux reprises. Comment amener à la lecture de thèmes philosophiques, et à l'étude approfondie de la psychologie des personnages, un jeune public friand d'amours adolescentes romantiques sur fond d'aventures fantastiques? Je me suis lancé avec passion dans ce difficile exercice, mais petit à petit l'aspect purement technique s'est trouvé enrichi de thèmes qui me sont chers, et qui ont, je l'espère, trouvé harmonieusement leur place dans ce récit touffu. S'il fallait à tout prix dénicher un thème central au cœur de roman, je dirais que c'est celui de la singularité, car plusieurs personnages y sont hors normes, voire étranges. Cependant, sous un vernis de ressemblance, est-ce que nous ne sommes pas tous singuliers? Dans Les rêves rouges, les masques tombent - c'est le fait du fameux monstre, à la fois symbolique et réel.
Les lecteurs me disent qu'en finissant ce roman, on est obligé de se poser des questions sur soi-même:
"Que ferais-je, face au Méchant du lac? Que me dirait-il?"
C'est ce que je voulais provoquer. J'en suis donc très heureux.



LE LUTIN DU CABINET NOIR

Au cours de ces vingt années d'écriture, je me suis essayé aux genres les plus divers. Il m'est donc arrivé d'écrire des livres drôles, pour les petits. Des romans d'aventures, pour les plus grands, mais avec un fond comique, comme dans L'ange du Namib.
Je ne crois pas que je me sois jamais risqué sur un terrain plus loufoque que celui du Lutin du cabinet noir.  Je voulais faire rire - et me faire rire moi-même -, mais cela devait aussi être intrigant, et j'ai concocté un monstre qui devrait faire les délices des illustrateurs en herbe. Enfin, puisant le merveilleux dans le quotidien, j'ai espéré que les petits lisant ce texte ne regardent plus les objets gris de leur environnement de la même façon. Et j'ai une tendresse particulière pour Fedor Fedorovitch Totorsky - échappé de la guerre froide -  qui, si tout va bien, devrait plaire aux adultes autant qu'aux enfants, si ce n'est pas pour les mêmes raisons. 



LE MERVEILLEUX

Je ne me reconnais pas d'une école française de littérature. Autodidacte, j'ai puisé mes références dans des lectures de toutes origines, et particulièrement dans une lignée anglo-saxonne qui commence pour moi avec Dickens et Melville, passant par l'extraordinaire Stevenson, le Jack London de Martin Eden, puis Steinbeck, se prolongeant aujourd'hui avec Cormac McCarthy, Jim Harrison, James Welsh ou Russell Banks. 
Avec Le Merveilleux, je me suis payé une incursion dans ce dix-neuvième siècle littéraire anglais que j'aime avec passion. Le style y est aussi soutenu que possible sans assommer le jeune lecteur du vingt et unième siècle; je m'y suis efforcé, en tout cas. Mais il fallait à ce roman un cachet ancien. C'était aussi une excellente occasion de faire connaître aux adolescents les préventions raciales et sociales de l'Angleterre victorienne.



LES FILLES DE CUCHULAINN

Ceux qui me lisent avec un peu de constance auront remarqué mon amour pour les chevaux, pour les pays celtes, et mon attirance pour l'étrange phénomène de la gémellité.
Ici, j'ai tout réuni! 
Le héros, ce grand cheval Shire dont il est difficile de concevoir la taille tant qu'on ne s'est pas retrouvé à côté d'un de ces colosses, m'a été inspiré par une bagarre entre chevaux de trait, au cœur de laquelle j'ai été pris il y a quelques années. Ces animaux étaient assez nombreux, dans une vaste prairie, et, par ennui ou parce qu'ils me trouvaient un mystérieux intérêt, ils se sont précipités pour m'entourer. Les préséances ne devaient pas être bien établies dans ce groupe, car chacun voulait passer devant l'autre. Ils ont commencé à se donner des coups de tête, à cogner leur poitrail contre celui de leur voisin, à hennir. J'étais pieds nus, entouré par ces géants dont les sabots mesuraient l'envergure d'une assiette, et j'entendais le souffle qui s'exhalait de leurs naseaux à chacun des chocs; je voyais leurs yeux, ces yeux des chevaux qui sont si étranges car immenses, écarquillés, presque hystériques dans leur sensibilité exacerbée.
C'était une situation à la fois dangereuse et onirique. Tout ce qu'il faut pour un livre.



LA TERRE DE L'IMPIETE 

Ce livre vient d'une rencontre, celle d'un vieil homme algérien que je conduisais à son travail lorsque je vivais en montagne. Ce monsieur, malgré ses années de labeur, ne possédait pas de voiture, et je le prenais sur mon chemin pour le conduire à la porte de son entreprise. C'était un homme qui parlait peu, et n'était pas d'abord aimable. Nous en sommes venus à discuter, néanmoins, et le sujet de la guerre d'Algérie a fini par se présenter. Mon passager avait été harki. Il était anéanti par ce qu'il avait subi. A travers son expression éternellement morose, on voyait, à l'occasion des anecdotes qu'il revivait, passer sur son visage des ombres d'effroi et de chagrin.
Il s'est trouvé, par une étrange coïncidence, que j'ai entendu un soir à la radio, après que j'avais ramené cet homme chez lui, un ancien haut gradé de l'armée de l'époque expliquer que non seulement on avait abandonné les harkis en Algérie, mais qu'on avait donné l'ordre de les désarmer, les livrant pieds et poings liés au massacre. Je me suis intéressé au sujet, j'ai lu, j'ai posé des questions autour de moi. 
Et j'ai décidé d'écrire La terre de l'impiété.
Plusieurs de mes ouvrages sont présents dans la liste de recommandation de l'Education Nationale, mais je suis singulièrement heureux que celui-ci y figure.



LA FEMME-NUAGE 

Des nouvelles, à la frontière du romanesque et de la poésie. Trois textes qui s'appuient sur des émotions très fortes. Il ne m'est pas possible de parler pour mes collègues - c'est un sujet sur lequel j'ai peu entendu les écrivains disserter -, mais, quand on s'attelle à un nouveau livre, on ne puise pas toujours dans les mêmes réserves, au moment de rédiger. 
Pour être crédible, un auteur se doit d'abriter un monde, qu'il interroge pour créer ses histoires et ses personnages. La part de ce monde que j'ai questionnée pour La femme-nuage est essentiellement féminine, c'est-à-dire que pour moi, ce livre n'est pas mâle. 
Peut-être est-ce pour cela que je l'aime beaucoup.



LES SORCIERES DE SKELLEFTESTAD 

Et pourquoi pas une histoire de sorcières, en deux tomes?
J'y ai repris le thème de la gentillesse confrontée à une intelligence qui ne serait pas exactement bienveillante, mais je l'ai poussé jusqu'à l'absurde. Que se passerait-il si on mariait une sorcière diabolique à un charpentier adorable, un peu simplet, cependant? Il y a un grand ressort comique dans la description d'une méchanceté débridée...
J'ai situé l'action au cœur d'un village suédois du dix-neuvième siècle, parce que je trouvais le décor joli, et parce qu'il fallait également prêter à l'entourage de la famille une certaine rigueur, afin de mettre en valeur les désastres provoqués par Ingrid et ses filles.
Il m'a paru intéressant, d'autre part, d'inventer de nouvelles caractéristiques aux sorcières, comme le fait qu'elles pondent leurs enfants... littéralement.



LES LIONNES 

Des écrivains, et des lecteurs, on dit avant moi qu'un roman est une auberge espagnole; on y trouve également ce qu'on y apporte. Ainsi, d'aucuns verront dans ce livre une simple aventure animalière. Il est vrai que j'ai tenu à ce que les détails y soient précis, qu'il s'agisse de l'anatomie des lions, de leurs mœurs, du comportement des animaux qui les côtoient, ou du climat.
On peut lire Les lionnes de cette façon. 
Mais la citation en incipit, et surtout la postface, feront comprendre aux plus avisés des lecteurs que les lionnes et les hyènes ne sont que l'incarnation d'autre chose, de malheureusement humain. 
Je traversais une phase terrible, où tout se dérobait devant ceux que j'aimais, et devant moi. J'observais, en certaines circonstances, le triomphe de la bassesse et du calcul. 
Que fait-on de cela, quand on est écrivain, et qu'on se refuse à la rancœur recuite?
Un livre.
Mon désir de beauté, de transcendance et de justice, je l'ai mis dans ce roman. Pour dire à ceux qui, partout, affrontent ce que j'ai traversé: la victoire et la défaite ne sont pas toujours là où on les imagine. 



PRIERES 

Nouveau roman dans le genre épistolaire, mais un peu particulier, puisqu'on s'adresse ici à Dieu, à la Vierge et aux saints.
Ecrire un récit entièrement constitué de prières? Cela semblait absurde, et rébarbatif pour le lecteur. Mais tout dépend de ce que contiennent ces prières...
En-dehors de l'aspect technique de ce travail, qui demandait de maintenir une tension narrative particulière, il y avait la richesse du thème, du point de vue psychologique. L'humain qui s'adresse à ses dieux, à travers la planète entière, y investit une part de lui-même qui n'est jamais présente dans ses discussions avec ses congénères.
Bien qu'il ait reçu le Prix de la Nouvelle Revue Pédagogique, je crains que ce livre ne soit épuisé à l'heure où vous lirez ces lignes; mais on doit encore pouvoir le trouver chez certains libraires.



PERCE-NEIGE ET LES DEMONS 

Par une sorte de retour de conservatisme frelaté, par refus de ce que certains appellent la "repentance" - quel mot! -, des personnes affirment à nouveau qu'on se paye une bonne conscience dérisoire en soulignant a posteriori les dégâts provoqués par la colonisation et l'invasion des contrées "exotiques" par les Européens de l'époque. Il faudrait, selon elles, remettre les choses dans leur contexte; on découvrirait alors les vertus civilisatrices de tout cela.
Soit; réfléchissons donc une minute. Considérons l'arrivée des Blancs en Australie, le déroulement des événements depuis qu'ils ont mis les pieds sur cette île, et ce qui en a résulté pour la population aborigène. J'invite particulièrement les jeunes lecteurs à se pencher sur la question. Observons aussi ce qui s'est produit en Afrique, du sud au nord de ce continent, et souvenons-nous du mot traite.
L'Amérique du sud a également vécu son lot de massacres, d'esclavage, de folie sanguinaire et de pillages.
Dans Perce-neige et les démons, il est question des Indiens des Plaines du nord de l'Amérique. Je raconte certaines de leurs coutumes, avant que les héros soient enlevés par ce qu'ils prennent pour... des démons.
L'originalité du livre repose, selon moi, sur cet enlèvement, qui les conduit à l'autre bout de la terre. C'est aussi un clin d’œil à une de mes amies, néo-zélandaise, et à Aotearoa, le pays du long nuage blanc. 



ASAMI LE NAGEUR  


C'est un de mes livres préférés. Ma volonté était de proposer à de très jeunes lecteurs une sorte de métaphysique, ou plutôt de me mettre en accord avec celle qui les habite. Y a-t-il en effet un moment de l'existence où la métaphysique est plus présente qu'à la petite enfance?
A cet âge, on pose de drôles de questions; puis, accaparé par le temps qui passe, on renonce à interroger les autres, et soi-même, sur ces vastes sujets.
L'idée du fleuve m'a semblé intéressante, et j'ai choisi l'Afrique nilotique car cela me paraissait aller de soi. Comme je nage quasiment depuis que je marche, que c'est un élément très familier, je me suis transposé dans le corps de cet africain des temps anciens, marqué par la nécessité  des eaux. Il emporte avec lui tout son monde dans une boule de bois creuse, et il descend le grand fleuve, jusqu'à se perdre.
Nous descendons tous notre propre fleuve.



LA CHARME 

Un roman entièrement écrit en langage de la rue. Voilà qui était spécifique et "segmentant", comme diraient nos amis du marketing. Pourtant, les gens de la télévision suisse ont donné un prix à ce livre. Je me demande parfois si l'amour de la langue française et de ses intéressantes variantes n'est pas plus vif chez les francophones que dans notre propre pays.
Ici, la difficulté n'était pas tant d'écrire le livre - je ne me suis guère documenté, me contentant de répéter ce que j'entendais tous les jours à l'entraînement, avec mes amis, et dans la rue - que de le faire accepter par un éditeur audacieux.
Un exercice de style que j'ai aimé, et que je reprendrai peut-être un jour, sachant néanmoins que cette langue particulière évolue à toute vitesse, laissant sur place les dictionnaires et les académies. 



LE PORTEUR DE PIERRES 


Je me rappelle une émission que j'avais faite à la radio, où l'animatrice qui m'interrogeait s'était étonnée, à propos d'un personnage secondaire de mon roman Ba: comment pouvais-je prétendre qu'à côté de la gentillesse, l'intelligence était anecdotique? C'est sa surprise qui m'avait, moi, fait réfléchir, car cela paraissait aller de soi. Oui, je préfère une personne gentille et simplette à un salaud brillant. Il ne me semble pas, d'ailleurs, qu'on trouve tant  d'intelligence dans la méchanceté.
Cette idée qui virait presque à l'obsession a donné le sujet de ce livre. L'Irlande tourmentée, que j'aime, et qu'on retrouve dans plusieurs de mes livres, a servi de toile de fond. Pour les raisons que je viens d'énoncer, je crois que Seamus le porteur de pierres est un de mes personnages préférés, parmi les centaines que j'ai créés en vingt ans.



LE PERE TIRE-BRAS  

Il y a de soudains miracles, qui sortent l'écrivain d'un puits de labeur ingrat, et lui laissent croire, un bref instant, que tout est facile...
On m'avait demandé un texte très court, pour les petits. Je n'avais jamais fait ça. A ce moment j'étais comme souvent en vadrouille, installé pour quelques semaines dans une maison sinistre au bord d'un océan couleur de coquille d'huître...
De la gaieté! De la gaieté! J'ai écrit Le père tire-bras d'une traite. C'était il y a longtemps. Avant-hier, j'ai encore reçu des dessins d'enfants! Ce monstre a des groupies un peu partout. 
Je viens d'apprendre qu'il est réédité. Longue vie à lui, même s'il est extrêmement méchant, puisqu'il plaide pour l'écologie, et la purification des cours d'eau.



LES FRONTIERES 

Je voudrais en premier lieu saluer le travail d'illustration - couverture et dessins intérieurs - de José Munoz, qui a accepté de travailler sur ce texte quand j'ai demandé à mon éditeur si cela était possible, puisque nous étions dans la même maison. Monsieur Munoz est sans nul doute un des grands maîtres mondiaux du noir et blanc dans le domaine de la bande dessinée, ce qui ne l'a pas empêché d'accomplir pour la couverture un travail sur la couleur somptueux et original. Les deux petits héros ressemblent beaucoup à des enfants avec lesquels j'ai vécu, pendant une période troublée de mon jeune âge. Ce livre est écrit à leur mémoire, en hommage à ces gamins des rues que j'ai si souvent vus bousculés par les autorités, abîmés par leur famille, livrés à leur seul courage.



AURELIEN MALTE 

Il y a beaucoup de choses à dire sur ce livre. Plus de quinze ans après sa sortie, je reçois encore de nombreuses lettres de lecteurs à son sujet. Il se vend toujours beaucoup, ce dont je suis heureux. Techniquement, c'est mon premier roman épistolaire, genre que j'affectionne, car il permet d'accéder à la pensée du narrateur avec une économie de moyens très efficace, et il facilite les ellipses. Le thème s'y prêtant, j'ai effectué autour d'Aurelien Malte beaucoup de rencontres avec des adolescents délinquants, des éducateurs de prison. L'histoire de ce livre m'a été dictée, en partie, par une expérience personnelle, mais ce récit semble avoir provoqué, chez les lecteurs les plus différents les uns des autres - qu'il soit question d'âge, de sexe, de milieu social -, une résonance que je n'attendais pas.



LES SECRETS DE FAITH GREEN 


Le très grand succès de ce roman m'a surpris. La relation entre cette vieille dame dure à cuire et ce petit garçon a beaucoup touché les lecteurs. Pour moi, c'était aussi un travail technique inédit, des allers et retours permanents entre le présent et le passé, à organiser sans trop de heurts ni d'incohérence. J'ai toujours apprécié les vieilles personnes, et il me semblait qu'on ne leur accordait peut-être pas toujours de l'attention. Faith Green devait tirer les petits lecteurs à elle, et leur montrer qu'à son époque, on ne passait pas forcément son temps à broder des napperons devant l'âtre. Je crois qu'elle a réussi son coup...
Faith est le prénom d'une amie irlandaise. Je l'ai utilisé car sa signification est magnifique.


UNE MOITIE DE WASICUN 

L'univers de ce livre m'a habité bien longtemps avant l'idée que je puisse devenir écrivain.
La nature sauvage a toujours été capitale pour moi, et j'ai eu la chance de vivre une partie de mon enfance, puis de mon adolescence, dans un endroit de montagne isolé qui marquait une opposition absolue avec mon autre vie, parisienne. Je me trouvais souvent seul dans des sommets ou des bois jamais fréquentés, et à certains endroits non entretenus. J'y ai appris la valeur du silence, puis acquis la capacité d'approcher les animaux: pour cela, il suffisait d'accepter de sortir du scaphandre civilisé, d'oublier en quelque sorte son ego, et de devenir soi-même animal, ou arbre, ou pierre. Il fallait se dissoudre.
A cette époque, tout cela n'était pas formulé, bien sûr. Il n'y avait là qu'une vague sensation, que j'entretenais, parce que cela me permettait d'approcher jusqu'à presque les toucher les écureuils, les cerfs, les chamois, les mésanges bleues ou les sangliers.
Puis je suis tombé sur un texte du dix-neuvième siècle, transcription du discours d'un Indien des Plaines - dont je ne me rappelle malheureusement pas le nom -,  qui, s'adressant au Père des Blancs (sans doute le président des Etats-Unis de l'époque), plaidait pour la préservation de la nature que les nouveaux colons commençaient à détruire. 
A ma stupéfaction, tout ce que cet homme racontait trouvait un écho en moi; j'y reconnaissais exactement ce que j'éprouvais. J'ai compris ce jour-là que l'amour de la nature sauvage n'a de frontière ni géographique, ni temporelle. Que cet homme, parlant un siècle avant ma naissance, ressentait les mêmes choses que moi.
C'a été le début de mon intérêt, et de mon admiration, pour ces peuples nomades qui semblent aimer la terre avec plus de passion que les sédentaires.
Dix ans plus tard, quand il s'est agi de trouver un sujet pour mon premier livre, je me suis naturellement tourné vers ce monde.

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