ALBUMS
UN AMOUR DE VAGUE
Le temps passe, et l'on se réveille un matin pour se rendre compte que l'on écrit depuis trente ans.
Si souvent se pose la question de l'utilité des livres. J'en reviens toujours quant à moi à cet enfant solitaire, un peu triste peut-être, qui s'allonge dans un rai de lumière et se plonge dans un volume pour y chercher du réconfort et du rêve. S'il trouve dans mon roman, dans mon album, sa part de merveilles, je suis heureux.
C'est pour lui que je suis écrivain.
Et si le hasard me fait rencontrer sur la route un talent aussi exceptionnel que celui de Christel Espié, l'élégante beauté des images de l'album m'assure que ce petit lecteur sera comblé: son esprit volera haut, et il volera loin.
LES NUITS MAGIQUES DE NISNOURA
CHEVEUX EXTRAORDINAIRES
"Quel scandale, quel scandale, elle est sortie en cheveux !"
Voilà comment, il y a quelques décennies à peine, l'on parlait en France d'une femme descendue dans la rue sans chapeau ni foulard...
Pour quelle étrange raison les cheveux - singulièrement ceux des filles et des femmes - font-ils l'objet de telles passions? Des Celtes, qui voyaient dans les longues chevelures la révélation de qualités aristocratiques et royales, aux faiseurs de pluie du Zambèze qui gardaient leurs cheveux intacts pour conserver en eux l'esprit du lion et celui du léopard, des religieux zélotes, qui refusent la vision d'une mèche sous peine de blasphème, aux Hopis de l'Arizona qui se gardent de toucher aux cheveux de leurs enfants avant leur deuxième année pour leur éviter les malédictions, il semble que tous les peuples de la planète soient fascinés par ce qui leur pousse sur la tête. On y trouve, on y invente mille symboles, mille provocations, mille craintes et encore mille séductions.
NISNOURA, mon héroïne d'un pays imaginaire, sera confrontée à ce mystère et ce, de la façon la plus... ébouriffante.
Nos petites lectrices, nos petits lecteurs ne verront plus jamais leurs cheveux du même œil et - je le souhaite - peut-être y trouveront-ils une belle part de magie.
Les magnifiques illustrations sont d'Alexandra Huard, qui a apporté au texte son propre romantisme, et sa profondeur.
DANS LES YEUX DE NAWANG
Il y a vingt ans maintenant, je faisais la brève rencontre d'une jeune femme tibétaine, dont le comportement, l'allure - et tout ce qu'elle dégageait de manière générale - différaient extraordinairement du milieu dans lequel elle vivait, désormais. Cela a été pour moi le début d'un long voyage, qui n'a jamais cessé.
Cet album, «Les yeux de Nawang», est un des résultats de ce voyage.
Vous y trouverez deux frères jumeaux, Nawang et Lhari, perdus dans les montagnes, qui apprendront aux petits enfants à poser leurs yeux sur la beauté du monde.
Peut-être rappelleront-ils aussi à ceux des adultes souffrant de trop de laideur et de chagrin qu'il faut constamment redécouvrir la magnificence qui nous entoure.
Les illustrations sont de Clotilde Perrin.
LE ROI MOI
Le roi Moi, son titre, et son sujet, se sont imposés comme une évidence.
Pour le sourire des parents - ou pour leur extrême exaspération -, ne seront-ils pas tous à un moment confrontés à l'égocentrisme forcené de leur petit enfant? C'est consubstantiel à un certain âge.
Cette modeste tyrannie fait un peu moins sourire quand le chérubin grandit, mais qu'il persiste parfois à exiger plus, et plus encore.
C'est là, chers parents, chers grands-parents, que le roi Moi vole à votre secours:
Est-ce que se préoccuper des autres n'apporterait pas des joies qui étaient jusqu'alors bien cachées? Est-ce que donner n'a pas autant d'attraits que de recevoir? Est-ce que sortir de SOI-MÊME n'est pas agréable?
Laissons à nos dictateurs en layette le plaisir de le découvrir, avec le roi Moi, leur semblable.
On a observé, grâce à l'imagerie médicale moderne, le cerveau des moines bouddhistes s'adonnant à une méditation centrée sur la compassion. Autrement dit, sur la volonté de bien-être pour les autres... Et on a découvert que cette méditation singulière provoquait une activation presque surnaturelle des zones de plaisir et de joie dans le cerveau de ces moines. C'est factuel, il n'y a pas là de magie religieuse. Juste l'observation scientifique d'une pratique.
Si nos enfants apprennent à penser aux autres, ils ne seront pas seulement de meilleures personnes; ils seront aussi plus heureux.
Merci à Thomas Baas pour le bel univers qu'il a offert à ce récit. Ses illustrations élégantes et intemporelles me rappellent celles qui faisaient ma joie et mon plaisir lorsque, enfant, je lisais des albums, et je ne doute pas que les petits d'aujourd'hui y trouveront le même ravissement.
LE LEZARD DE PEM PEM
Bien que cet album soit publié dans une collection destinée à illustrer des contes classiques, je tiens à dire que Le lézard de Pem Pem est né de ma seule imagination.
C'est que ce texte m'est singulièrement précieux, à plusieurs titres.
Tout d'abord, le récit se déroule dans l'univers sherpa, qui est très cher à mon coeur; je suis un homme de la nature sauvage, que je n'aime jamais plus que lorsque l'humain s'y sent petit.
Les Sherpas vivant dans les immensités himalayennes illustrent cela de la manière la plus magnifique. Du glacier titanesque du Khumbu aux sommets terrifiants qu'ils ont affrontés pour gagner leur vie en accompagnant des Occidentaux en quête de gloire, les Sherpas ont gagné leur légende, à tel point qu'on utilise leur nom partout dans le monde sans même savoir parfois qu'il s'agit de celui d'un peuple, et non d'une seule activité de guide et de porteur.
En plus de tout cela, les Sherpas sont des gens qu'anime une très profonde spiritualité, née pour une part, sans doute, des espaces solitaires et indomptés qui ont vu leur naissance. Ainsi le bouddhisme y acquiert-il une signification particulière, peut-être pour conjurer le vide et les maléfices des avalanches...
Le lézard de Pem Pem n'est pas un texte religieux. Ce qu'il met en avant dans le bouddhisme, c'est la contemplation, en guise de philosophie de l'existence.
APPRENDRE À VOIR...
En ces temps de matérialisme exacerbé, alors qu'il semblerait parfois qu'on n'existe plus que par ce qu'on possède, le message de cet album, pour les petits enfants, est sans doute important. Je ne suis pas un vieil homme, pourtant depuis mon enfance les choses ont beaucoup changé. Les gamins, de plus en plus tôt, paraissent se juger entre eux par le biais des marques qu'ils portent, des gadgets qu'on leur a offerts, des portables plus ou moins up to date qu'ils utilisent. Je crois que tout le monde, ou presque, remarque cela. C'est triste, et c'est dangereux.
À moi d'apporter ma pierre à la lutte menée par certains contre cette absurdité qui voudrait qu'on ne vaille qu'à travers des objets.
Je ne peux terminer sans féliciter Marie Desbons, dont les illustrations magnifiques - regardez de plus près les yaks, les bijoux himalayens! - ont admirablement servi le texte, en l'illuminant.
Que cet album apporte, autant que faire se peut, la paix de l'esprit à ses lecteurs, jeunes ou moins jeunes.